Et papa dans tout ça?

Quand je parle de l’accouchement avec de nouveaux-parents, la plupart du temps, j’entends surtout ce que la mère a ressenti, ce qu’elle a vécu, comment c’était douloureux ou non (épidurale à la rescousse !), l’angoisse, la peur, la joie, le bonheur, le doute. Et la plupart du temps, le père acquiesce et ajoute un petit détail ici et là.

Au moment de l’accouchement, on se soucie rarement de savoir quels sont les sentiments du père puisque, avouons-le, ça ne se compare pas à ce que la mère a vécu. Combien de films et de séries télévisées font justement des blagues sur l’éventuel père maladroit qui « ose » se plaindre de vive voix de quoi que ce soit ?

Pourtant, les pères ressentent un paquet d’affaires, allant de la peur à la joie, de la confusion la plus totale à la douleur (oui, on peut se faire mal pendant ce qui peut durer parfois des heures, mais il ne faut pas en parler parce que la femme, elle, vient d’accoucher). Et c’est ça le nœud du problème : peu importe ce qui nous est arrivé, c’est toujours « moins » que la mère. Tu as peur ? Imagine elle ! Tu t’es blessé au bras et ton dos est en compote ? Ne dis rien, elle a des contractions monstrueuses ! Tu commences à paniquer ? Ressaisis-toi ; tu es l’homme, tu dois rester fort, et si tu paniques, elle va paniquer encore plus !

On doit donc ravaler bien des choses, mais ça ne veut pas dire qu’on éprouve du ressentiment pour autant. Je ne voudrais pas être à la place de la femme, loin de là ! Pourtant, on aurait bien besoin de pouvoir se plaindre ou de ventiler un peu nous aussi. Oui, c’est la femme qui accouche, ça ne se compare pas, mais ça reste néanmoins la journée la plus chargée en émotions dans la vie d’un homme, et ça, ce n’est pas rien ! Je n’essaie pas de faire pitié, et je n’essaie pas non plus de parler pour tous les hommes, chacun ayant ses propres raisons et ses propres réactions, mais je peux parler de ma situation personnelle.

Par contre, tout ça, toute cette peur et tout ce bonheur, je n’ai jamais vraiment pu le partager. Parce que je devais me montrer solide puisque ma femme dépendait de moi, parce que c’est elle qui venait d’accoucher, et parce que c’est une convention sociale que tu te tais et que tu te fais rassurant si tu ne veux pas te faire regarder avec des gros yeux.

Je ne suis pas nécessairement amer malgré ce que j’écris, peut-être parce que je suis trop orgueilleux et trop fier pour admettre que ça me dérange, même un peu. Qui sait ?

Pierre Abdullah

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3 Comments

  1. says: Simon

    Moi non plus, je n’ai jamais pu extérioriser ce que j’ai vécu. C’est moi qui ai détecté que le coeur de ma fille commençait à avoir de la difficulté et qui l’ai signalé au personnel soignant.

    J’ai failli être oublié à l’extérieur pendant que ma fiancée avait sa césarienne.

    J’ai vécu, moi aussi, de très fortes émotions. Mais je ne peux rien dire ni faire.

  2. says: Pierre Abdullah

    Je suis de tout cœur avec toi Simon!

    Dans mon cas, le personnel de l’hôpital m’a littéralement oublié sur le mauvais étage pendant la césarienne…

    J’en parle justement dans mon prochain papier qui devrait être publié la semaine prochaine si ça t’intéresse.

  3. says: ilinca

    Wow! Beau témoignage. Je reconnais mon mari dans tes paroles. Une des plusiers raisons pour laquelle j’ai demandé la péridurale est pour soulager ou donner un break à mon mari qui était sur le qui vive pendant mes contractions: “une autre! Hop! Massage…eau…plus haut…pas comme ca…avec les poigns..les doigts…la paume…ok..ca passe…” et 2 secondes plus tard “une auuuutre!!” Au bout des 5h de travail sans péridurale il était trempé de sueur comme s’il avait couru le marathon sans parler de la nuit blanche qu’il a passé ensuite parce qu’il était trop en amour avec notre fils et voulait être à son chevet. Je lève mon chapeau à beaucoup de papas du 21e siècle. ..:)

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