Mais toi, maman, tu vas toujours être blanche?

Des enfants métissés issus d’une famille multiethnique en 2016, c’est chose courante. Pourtant, en dehors de la métropole, ça reste une chose qui ne passe pas inaperçue.

– Pourquoi les gens nous regardent, maman ?

– Parce qu’ils te trouvent joli, mon trésor.

– Mais pourquoi ? Je suis différent des autres petits garçons ?

– Oui, tu es brun, comme ton frère.

– Ah oui, je sais ! C’est parce que papa, il est noir. Mais toi, maman, tu vas toujours être blanche ?

Ma sage-femme m’avait dit que la couleur « définitive » des bébés métissés se voyait sur leurs jambes à la naissance, puis que, graduellement, en grandissant, tout le corps foncerait de façon égale.

La question qui revient à chacune de mes grossesses est celle-ci :

– Ah, ça serait cool qu’il soit foncé, aux yeux bleus et aux cheveux blonds, hein ? Toi t’es blonde, ça se pourrait-tu même si ton mari est suuuuper noir ?

Je me contente de sourire sans répondre, puisque Dieu seul sait la combinaison qui sortira de mon utérus.

Vous posez-vous aussi la question ? Mon aîné a des traits fins, les cheveux semi-frisés noirs et sa peau est foncée. Mon cadet, lui, a les yeux bridés, les cheveux châtains bouclés et le teint pâle.

La réaction de certaines personnes, quand je sors seule avec eux, ressemble à ça :

– Ils sont adoptés ?

– Non, je les ai faits moi-même.

– Comment ils s’appellent ? Ah… j’ai jamais entendu ça.

– Mon mari est Sénégalais.

– Ah OK, je comprends ; ce n’est pas des petits Québécois.

– Oui madame, ils sont nés ici.

– Non, mais je veux dire : « y sont pas blancs. »

J’ai bien dit « quand je sors seule avec eux », parce qu’avec mon mari, les gens se contentent de nous regarder de loin sans nous approcher. La couleur dérange les gens, mais ils diront qu’ils ne sont pas racistes.

« Y sont pas blancs. » Et alors ? Ce n’est qu’un taux de mélanine différent.

Ils ont des yeux, des oreilles, des bras, des jambes et le même cerveau que les autres êtres humains sur cette planète.

Pourtant, lorsque le temps sera venu pour mes fils d’entrer sur le marché du travail, je sais qu’ils seront mis de côté par rapport à un Jean-Philippe Côté quand l’employeur verra leur nom sur leur curriculum vitae.

J’aurais pu les « déguiser » en Québécois de souche en les appelant autrement juste pour sauver les apparences, pour faciliter la compréhension dans la tête des gens, mais j’aurais du même coup renié les origines mixtes de notre famille. L’ignorance est facilement remédiable avec un minimum d’ouverture d’esprit et d’éducation.

La mondialisation ne date pas d’hier, on va devoir s’y faire !

– Oui, mon trésor, je serai toujours blanche, tu seras toujours noir, et c’est ben correct comme ça !

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