Mes enfants ne seront pas étiquettés par leurs prénoms

Avant même que Mazen et moi décidions de nous marier, nous discutions, évidemment comme bien des couples, de prénoms de bébés. Je pensais que le processus du choix d’un prénom serait long et difficile; Ça n’a pas du tout été le cas. On était entièrement sur la même longueur d’ondes et on savait clairement ce qu’on ne voulait pas pour nos futurs enfants : être étiquetés. Ainsi, en un après-midi au centre d’achat, on avait déjà sélectionné un prénom de garçon et un de fille. Pas si pire comme début, quand même.

Fast-forward à quelques années plus tard, suite à l’apparition d’une deuxième barre rosée sur un petit test de grossesse un lundi matin: la discussion du choix du prénom revient inévitablement. Notre opinion n’ayant pas changé, on était toujours d’accord sur le fait que nous ne voulions pas d’un prénom qui attirerait du mépris et du jugement à notre futur héritier. En plus de cela, Mazen et moi avions des critères assez précis quant au prénom de nos enfants. Tout d’abord, comme j’ai mentionné plus haut, un prénom qui ne soit ni arabe, ni québécois, ni africain, ni chinois, ni etc…vous avez compris le principe. Un prénom qui n’est rattaché à aucune origine ethnique, tout simplement pour qu’on ne puisse pas les rattacher à celle-ci. Pour Mazen et moi, il était important que nos filles se sentent libres de leurs origines. Non pas que nous ayons été victimes nous-mêmes de profilage racial (je n’ai jamais eu de difficulté à me trouver un emploi à cause de mon prénom, ni mon mari d’ailleurs) mais plutôt pour l’éviter. Ensuite, nous voulions un prénom qui se prononce aussi bien en français qu’en arabe et en anglais. Puis, un prénom original, simplement pour qu’ils ne se retrouvent pas en classe avec 10 autres enfants du même nom. Et finalement, pas de deuxième ou troisième prénom, parce que nous trouvons ça lourd, et parce que je traîne deux boulets à mes pieds depuis ma naissance, merci maman et papa, avec les prénoms très IN de mes grands-mères (shout out to my homies G and K).

Le jour J arriva et malgré que tout le long de ma grossesse nous avions annoncé que bébé s’appellerait Lilyann, nous fûmes fusillés par les commentaires plutôt négatifs de notre entourage. Traditionnellement parlant, dans la communauté, il est mal vu de ne pas nommer nos enfants par les prénoms «arabes»/religieux. Et je peux comprendre qu’après des années et des années de Mohamad et de Fatima, ma Lilyann vient briser un cycle sécurisant, surtout pour des grands-parents immigrés au Québec qui tiennent à ce que leurs petits-enfants soient attachés à leur culture d’origine. On a dû, en tant que nouveaux parents, s’asseoir avec certains membres de nos familles pour leur expliquer pourquoi chaque maudit-prénom qu’ils nous proposaient, aussi beaux soient-ils, ne nous plaisaient pas.

Mais, étant la jeune maman innocente et naïve qui voulait plaire à tout le monde que j’étais, je me suis dit que pour satisfaire tout le monde, on pourrait bien lui donner un deuxième prénom, entièrement religieux. Cette proposition ne passa pas auprès de mon mari : c’est notre fille, pas la leur, le choix du prénom nous revient exclusivement. Et un jour, moi aussi je me suis écœurée. Parce que first of all, c’est moi qui l’ai portée et accouchée cette enfant là, ce qui me donne automatiquement le droit de l’appeler Gertrude si ça me tente, et deuxièmement, pour toutes les raisons énoncées plus haut.

Quand je suis tombée enceinte de notre deuxième pitoune, les propositions de prénoms débordaient, surtout parce qu’on avait vraiment aucune idée de comment l’appeler, cette petite bébitte là! Quand notre choix s’arrêta enfin, et surtout pour éviter l’expérience vécue avec Lilyann, nous avons décidé de garder ce prénom secret. Alors, à chaque suggestion, nous avions un petit ricanement intérieur. Quand Miss Elina nous fît honneur de sa présence, à 2h08 du matin, nous avons rempli presque aussitôt les papiers d’enregistrements et POUF! Disparus dans la boîte aux lettres! Plus aucune possibilité de changer de prénom. (Insérez ici un rire diabolique).

Je suis très consciente que nos choix heurtent encore une corde très sensible chez nos familles, mais bien loin de nous l’idée de les blesser. Il en revient à chaque personne de nommer son enfant comme il le désire, que ce soit Abdelrahman ou Lilyann. L’important, c’est que les parents soient bien avec ce choix, et l’assument entièrement. Je sais que ma fille est facilement remarquée à l’école arabe parce qu’elle n’a pas un prénom ‘’traditionnel’’, mais n’est-ce pas ce que nous voulons pour nos enfants ? De se démarquer et d’être uniques ? C’est un choix tellement personnel et je répète, que je respecte peu importe le nom choisi.

Mais on s’entend que Mazen et moi allons probablement clore notre famille après deux enfants, non pas à cause du manque de ressources pour les élever, mais par manque de prénoms disponibles! (hahaha)

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