Notre garderie, ta deuxième famille

Lorsque le temps est venu de te chercher une garderie, on m’avait dit de m’écouter avant tout, parce qu’au-delà des conseils des uns et des autres, chaque parent a des attentes qui lui sont propres. Pour toi, je voulais trouver une deuxième famille. Un environnement dans lequel tu recevrais chaleur, amour et soutien, avant d’apprendre à compter ou à t’asseoir correctement sur une chaise. Cette deuxième famille, nous l’avons trouvée chez Yuliya.

Des câlins, tu en as à profusion dans ta deuxième maison où tu arrives gaiement chaque matin. Jamais contrariée, Yuliya nous accueille toujours avec le sourire et avec une énergie débordante, pleine de passion et de douceur pour ses petits cœurs, quoiqu’il arrive.

Pas de carnet de suivi chez Yuliya et ce n’est pas grave. Parce que pour te dire la vérité, je m’en fiche un peu de savoir combien de cacas tu as faits dans la journée.

L’été, vous passez vos journées dehors à vous salir dans le sable. L’hiver, lorsqu’il fait trop froid, vous campez sous la table de la cuisine et vous fabriquez des autobus dans de gigantesques boîtes en carton.

À l’heure de la sieste, vous dormez pêle-mêle sur un grand matelas, et mon cœur a fondu la première fois que je vous ai vues ainsi, toi et tes amies, pelotonnées comme des petits chatons. Tu n’as jamais pleuré pour t’endormir, chez Yuliya.

Tu y passes parfois la nuit lorsque nous sommes mal pris, et tu apprends alors un peu l’ukrainien, car c’est tout naturellement que Yuliya et ses proches t’incluent dans leur routine familiale du soir, sans autres formalités.

Seul bébé du groupe à ton arrivée, les plus grands t’ont rapidement pris sous leur aile, s’assurant que les petits objets soient loin de ta portée et t’aidant à enlever tes chaussures. Puis, tu assistais, sans le savoir, à tes premières leçons d’écriture. Maintenant que de nouveaux amis ont rejoint la garderie, c’est toi qui apprends à prendre soin des plus jeunes, tout naturellement.

Tout le monde est toujours le bienvenu chez Yuliya, même avec le nez bouché. Que vaudrait une deuxième famille si tu ne pouvais y coconner lorsque tu es malade ? Bien sûr, lorsque tu ne files pas, je te garde autant que possible auprès de moi, mais j’ai le cœur apaisé de savoir que, s’il le faut, tu auras ta place chez Yuliya.

Ta garderie n’est pas parfaite pour autant, même de mon point de vue. La nourriture n’est pas toujours complètement santé, vous regardez parfois trop la télé, et vous n’allez pas dehors les jours de pluie. Un peu comme chez nous, quoi.

Il y a quelque temps, tu t’es légèrement brûlée en voulant attraper une tasse de thé qui ne t’était pas destinée, mais, franchement, je serais la pire des hypocrites si je te disais que ceci n’aurait pas pu arriver dans notre propre maison, et je ne suis pas le genre de maman à exiger des autres plus que je ne m’impose à moi-même lorsqu’il s’agit de prendre soin de toi.

Chez Yuliya, vous fêtez Noël et Pâques en grande pompe et je crains parfois que ces célébrations ne fassent naître dans tes yeux plus d’étoiles que nos fêtes musulmanes. Puis, je chasse rapidement ces pensées de mon esprit, car, dans le fond, si je tiens tant à certaines choses que j’estime essentielles pour ton éducation, c’est avant tout à moi de te les offrir, garderie musulmane ou pas. Quant à cette croix que Yuliya porte autour du cou et que tu n’as de cesse de contempler, puisse-t-elle te rappeler que les belles âmes sont partout, lorsque tu auras à affronter certains défis de ta vie future.

Plusieurs fois par année, parents, enfants et anciens de la garderie se retrouvent chez Yuliya pour y partager un repas. J’ai alors le bonheur de pouvoir te voir évoluer au milieu de ta tribu pleine de rires et de cris, et mon cœur de maman savoure cette petite incursion douce-amère dans ton quotidien qui n’est pas le mien.

De meilleures garderies, il en existe, c’est certain. Tout comme il existe de « meilleures » familles. Mais, si l’on en changeait, ce ne serait tout simplement plus… les nôtres.

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1 Comments

  1. says: vuillaume

    Lorsque l’on confie son enfant ou ses enfants à une tierce personne, on lui délègue un peu de notre « pouvoir » de parents et on lui ouvre la porte d’un autre monde, d’où le choix important d’un mode de garde en accord avec nos attentes.
    Cette maman « Blanche » peut aller travailler l’esprit serein en laissant son petit,
    certainement comme que le faisait peut-être (voire surement 😉 ) sa propre mère….

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