Francophone de naissance et mariée depuis plusieurs années à un marocain, j’ai, dans nos premières années de vie commune, acquis de bonnes bases en arabe, tant au niveau du dialecte marocain que de l’arabe classique. Et puis, le début de la vie active et les projets divers ont un peu pris le dessus, et mon niveau a tranquillement commencé à régresser. Je peux toujours gérer les situations de la vie quotidienne, mais je vous avoue être franchement nostalgique du temps où j’aurais presque pu faire une entrevue professionnelle en arabe et où je commençais à pouvoir déchiffrer des petits textes de journaux dans cette langue.
Les bonnes résolutions de mon congé maternité, pendant lequel je pensais prendre le temps d’étudier à nouveau, ont mystérieusement disparues avec la découverte du monde fabuleux des jeunes mamans et de son lot d’activités nouvelles et insoupçonnées (moi qui craignais de m’ennuyer!).
Et puis voilà que ma fille commence à parler. En français, en anglais, et en arabe. Ce n’est que le début, mais papa et maman sont fiers comme des paons que des mots se forment dans les trois langues.
Alors je m’y mets à nouveau, au rythme d’une enfant de deux ans. Cette fois-ci cependant, l’apprentissage prend une tournure quelque peu…différente. Je connais maintenant le nom en arabe de tous les animaux de la jungle (très facile à placer dans une conversation avec belle-maman), je sais dire fantôme et citrouille (le 31 octobre a fait son effet et nous sommes des gens intégrés, que voulez-vous), araignée (j’ai toujours su lâcher prise sur le ménage) et compacteuse (merci la ville de Montréal et les travaux incessants sous nos fenêtres).
Des rêves et de la patience
La langue arabe est celle à laquelle ma fille est le moins exposée, ce qui me frustre parfois, car je souhaite ardemment qu’elle la maitrise. Étant moi-même de nature très bavarde, j’ai souvent l’impression que son papa, principal pourvoyeur de vocabulaire, n’utilise pas assez de mots diversifiés et ce, bien qu’il ne lui parle qu’en arabe. « Utilise des mots » est d’ailleurs devenu l’une de mes phrases obsessionnelles du moment. Parce que, disons-le franchement, le bruit de l’avion et les hurlements d’animaux qui se pourchassent dans le salon, ça sonne à peu près pareil dans toutes les langues.
Alors parfois je me perds dans mon monde idéal et je rêve que je parle arabe parfaitement, que je peux profiter des longues soirées d’hiver pour papoter avec ma fille, passant d’une langue à l’autre sans heurts.
J’ai eu la chance de rencontrer, au cours de mes voyages, des anglophones et des francophones qui, ayant appris l’arabe à l’âge adulte, ont fini par dompter cette merveilleuse langue et quelques-uns de ses dialectes. Je sais donc que cela est possible, il suffit de se lancer. Et de s’accrocher. Mère et fille continueront donc à progresser ensemble. Et tant pis si le rythme est un peu lent, mon orgueil patientera. Incha Allah…