Entretien avec une intervenante en sexologie

Les derniers textes ont suscité beaucoup d’intérêt et de commentaires. Pour démystifier le tout, on s’est entretenues avec Aula Sabra, diplômée en sexologie depuis 2014. Elle travaille comme intervenante auprès des filles et des garçons du primaire et du secondaire. Nous lui avons posé des questions qui  sont revenues dans les échanges et surtout nous avons essayé d’entamer la conversation sur un sujet qui est peu abordé dans nos communautés.

Beaucoup de parents ont été confus et apeurés par le texte traitant de pédophilie. Comment ne pas devenir paranoïaque ?

Les cas d’agressions sexuelles, d’exploitation sexuelle ou d’inceste ne sont pas des phénomènes nouveaux. Par contre, nous sommes plus souvent exposé-e-s à ces histoires à travers les médias sociaux. Il est donc facile de sombrer dans la peur et de croire que ces cas arrivent plus fréquemment que ce qu’il en est réellement. La meilleure solution est de s’éduquer sur ces questions afin de pouvoir reconnaitre – dans la mesure du possible- ces cas. Il est aussi important d’aborder ouvertement ces sujets avec les enfants afin qu’elles et ils sachent que cela existe.

Crois-tu que certaines familles de communautés culturelles ont tendance à surprotéger leurs enfants de peur d’en arriver à l’horreur?

Ce n’est pas le propre des communautés culturelles de vouloir protéger ou surprotéger les enfants. En général, les parents ne veulent que du bien pour leurs enfants, peu importe la culture. Cela dit, si les questions liées à la sexualité sont encore taboues dans la société, elles peuvent parfois l’être encore plus dans certaines communautés culturelles. Il est donc important de protéger les enfants, non pas en les privant de sortir ou de poser certains gestes, mais en les éduquant. Il faut discuter de ces sujets afin de leur donner les outils nécessaires pour développer leur esprit critique et être en mesure prévenir des cas d’agressions ou d’exploitation sexuelles.

Comment faire de la prévention avec des enfants d’âge préscolaire?

Oui, faire de la prévention et de l’éducation à la sexualité, mais comment? En fait, c’est beaucoup plus simple qu’on peut penser. Je dirais que la première étape, c’est d’être ouvert-e et disponible à avoir ces conversations et à recevoir les questions des enfants. L’ouverture, ça passe en premier par l’attitude. Il est possible d’être surpris-e par leur niveau de connaissance, mais il vaut mieux accueillir leurs réflexions avec une attitude de non-jugement. Cela permet de créer un climat de confiance et vos enfants se sentiront beaucoup plus à l’aise de vous consulter.

De plus, il est important d’être conscient-e de ses limites. On ne sait pas tout sur tout et c’est tout à fait normal. Mais une des erreurs les plus communes est de dire ce que nous pensons aux enfants au lieu de leur donner la bonne information. Mieux vaut admettre ne pas connaitre la réponse et y revenir par la suite, voire, si possible, chercher la réponse avec votre enfant.

Il est aussi primordial d’aller au rythme de vos enfants. Un des meilleurs conseils serait de leur renvoyer la question pour vérifier leur niveau de connaissances. Leur répondre : toi, qu’est-ce que t’en penses? permet justement de mesurer ce qu’elles et ils comprennent déjà pour ne pas aller trop loin. D’ailleurs, je rajoute que c’est toujours bon d’utiliser les vrais mots. Une vulve n’est pas une fleur et un pénis n’est pas une abeille. Le fait que les enfants connaissent les vrais mots est une façon de diminuer la stigmatisation et le tabou entourant la sexualité, ce qui est d’ailleurs un facteur de protection.

Comment expliquer les abus à nos enfants et leur apprendre à déterminer les gestes appropriés vs non-appropriés?

Comme il a déjà été mentionné, il est primordial de ne pas sombrer dans la peur et surtout, de ne pas la transmettre aux enfants. Sans nécessairement entrer dans les détails et dire que des agresseurs courent les rues, il faut éduquer les enfants à être capables de reconnaitre les gestes appropriés de ceux qui ne le sont pas. Par exemple, en leur apprenant les noms des organes génitaux, on peut aussi leur dire que ce sont des parties privées que personne n’a le droit de toucher. Il faut aussi éduquer les enfants à se faire confiance et à être capable de reconnaitre les situations dans lesquelles elle et ils se sentent à l’aise ou pas.

Le plus important est de créer un climat de confiance avec vos enfants. Parce que c’est une chose de reconnaitre qu’un geste inapproprié a été posé, mais c’en est une autre d’en parler à ses parents. Une des stratégies les plus fréquemment utilisées par les agresseurs pour contrôler les enfants est de leur faire garder l’agression secrète. Pour prévenir cela, on leur explique la notion des secrets. Quand faut-il garder un secret? Qu’est-ce qu’un bon secret ou un mauvais secret? Vous pouvez expliquer à votre enfant que si quelqu’un le touche à tel ou tel endroit et lui demande de le garder secret, c’est un mauvais secret qu’il faut venir vous raconter. Un bon secret serait, par exemple, de ne pas dire à un parent ce que l’autre lui a acheté pour son anniversaire.

À quel âge devrait-on commencer à aborder la sexualité d’ordre général?

On peut commencer à faire de l’éducation à la sexualité dès la petite enfance. Bien entendu, on n’aborde pas les mêmes sujets avec un-e enfant de quatre ans qu’avec un-e adolescent-e. Ce qu’il faut savoir, c’est que c’est un processus continu et non une action ponctuelle. Il faut justement profiter des opportunités quotidiennes. Je vous donne un exemple tout simple mais tellement important : les bisous. Éduquer les enfants à la question du consentement et au respect des limites, c’est accepter qu’elle ou il ne veuille pas donner un bisou à votre ami-e ou à un de ses grands-parents. Validez le fait qu’elle ou il refuse en lui disant que c’est correct et dites aux adultes de ne pas insister.

Bref, vous l’aurez compris: la clé, c’est l’éducation. La meilleure façon de prévenir ces cas est de créer un climat de confiance afin que vos enfants aient envie et se sentent à l’aise de venir vous parler. Et si vous ne vous sentez pas assez outillé-e-s, plusieurs r essources sont à votre disposition.

Ressources :

  • Le 11 mai prochain aura lieu au Collège Letendre à Laval la représentation gratuite de la pièce de théâtre Le secret de Charlie qui aborde la question des agressions sexuelles auprès des enfants. Les parents d’enfants de 6-12 ans ainsi que toutes les personnes travaillant auprès des jeunes ou intéressées à s’informer sont les bienvenues. http://123action.org/
  • La fondation Marie-Vincent détient une expertise en prévention des agressions sexuelles et offre ses services auprès des enfants de 0 à 12 ans (et bientôt des adolescent-e-s). https://marie-vincent.org/fondation/mission/

Pour plus d’informations, n’hésitez pas à me contacter. Il me fera plaisir de répondre à vos questions :

Sabra.aula@gmail.com

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Aula Sabra est diplômée en sexologie depuis 2014. Elle travaille auprès des filles et des garçons du primaire et du secondaire. Lors de ses ateliers, elle aborde principalement les thèmes du consentement, des violences sexuelles, des médias sociaux, de l’égalité, du féminisme, de l’estime de soi, des relations amoureuses saines, etc. Elle est l’une des rares intervenantes en sexologie de confession musulmane au Québec. 

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