Ces souvenirs volés par la Covid

Depuis un peu moins de 6 mois, nous planifions un voyage dans la famille de mon chum. Pour une maman stressée, un papa procrastinateur et trois enfants de 6 ans et moins surexcités, planifier tous les détails était du travail, surtout qu’il fallait coordonner avec la famille qui elle voulait des réponses, maintenant. Fallait bien planifier de leur côté aussi.

Au menu, prendre l’avion pour Paris le 1er juillet. Passer deux jours à Paris avec la mamie par alliance, visiter un musée, des parcs, et bien sur, voir le pylône électrique qui se retrouve sur toutes les cartes postales et les t-shirt-À savoir, la Tour Eiffel, dont Loulou (6 ans)et Didi (4 ans) parlent tout le temps. C’est limite si c’est pas LEUR tour Eiffel.

Ensuite, prendre l’avion pour la Corse, aller rejoindre la belle-famille du coté maternel; les grand-parents de mon conjoint, sa mère et son frère, sa tante et son oncle, ses cousins et cousines. Faire de la plage, marcher tous les matins aller chercher la baguette et les croissants à la boulangerie du mini village, se griller au soleil et ramasser des « oeil de Ste-Lucie » et des coquillages. Passer du temps avec la famille, surtout les grand-parents qui n’ont pas vu les deux plus vieux depuis quatre ans, et jamais la petite dernière de 19 mois.

Ensuite reprendre l’avion puis le TGV pour aller rejoindre mon beau-père et sa famille à la campagne dans les Deux-Sèvres, plus calme, plus reposant. Ramasser les oeufs avec la femme de mon beau-père, aller promener le chien avec ma belle-soeur adolescente. Parler tard le soir avec mon beau-père autour d’un verre de vin. Le voir faire le monstre qui dévore les enfants et entendre les enfants rire, se sauver. Le studio était loué en Corse par belle-maman. Les trois enfants avaient leur passeport bien en règle. Restait à prendre les billets d’avion et de TGV. Et bien sur, préparer les valises.

À chaque message, belle-maman disait à quel point elle avait hâte. Les enfants demandaient combien de dodo avant le voyage. Si on allait pouvoir manger dans l’avion, monter tout en haut de la Tour Eiffel, faire des châteaux sur la plage ou nourrir l’âne de papi. Puis la covid-19 est débarquée et à tout chamboulé. Elle est venue brimer notre liberté, nos rêves et voler les futurs souvenirs que nos enfants auraient créer avec leur famille paternelle. À l’eau les projets de voyage et de plage.

Oui, je sais, y’a pire. Y’a des gens qui n’ont pas d’argent pour manger suite à la perte de leur emploi. Y’a des enfants qui se font maltraités dans leur famille. Des personnes âgées abandonnées dans les CHSLD. Je suis au courant de tout ça. Nous ne serons pas les premiers à devoir annuler un voyage. Mais j’ai quand même l’impression que la covid-19 a volé les souvenirs que nous aurions pu créer. Oui, ce voyage n’est que remis… mais dans quel état de santé seront les grand-parents de mon chum ? Ils ne sont plus tout jeunes. C’était peut-être notre dernière chance de passer l’été avec eux en bonne santé, du moins assez pour jouer avec les enfants comme ils ont jouer avec mon chum (qui allait passer un mois en Corse avec eux chaque été). Ils en rêvent depuis la naissance de Loulou il y a 6 ans, et planifient déjà vers quel âge il sera assez vieux pour voyager seul (!!! Sans avoir au préalable validé avec nous les parents si c’était ok, mais ça c’est une autre histoire…).

Le fait est que même si y’a plus important, la déception est là, et légitime. Ça ne veut pas dire qu’on est pas reconnaissant de tout le reste. En sachant que nous devions annuler notre voyage, ma belle-mère a pleuré. Elle demandait si c’était sur à 100%. Comme si nous avions du pouvoir la dessus….. Présentement, nous ne savons même pas comment sera la situation, ni en France ni au Québec. Aurons-nous fini la première vague, aurons-nous commencé la deuxième ? Les avions auront-ils le droit de décoller ? Pouvons-nous prendre le risque de partir, et de rester coincé là-bas si une deuxième vague se déclare durant notre voyage ? Les enfants ont la double nationalité, mais pas moi. Rester coincé là-bas plusieurs mois avec ma belle-famille ne fait PAS partie de ma to-do list…

Présentement, je suis en colère, je suis triste, et j’ai beau savoir que ÇA VA BIEN ALLER, présentement, ça ne va pas. Je suis en colère contre « le gros virus » comme dit Loulou, je suis frustrée de penser à ces instants qui ne resteront que des fantasmes et ne de viendront pas des souvenirs avant encore longtemps. Déçue que mes enfants ne puissent voir leur famille plus souvent. Déjà en temps normal, je trouve ça triste, mais que là on doive mettre une croix sur ces instants… ça me révolte ! Eux vivent dans le moment présent, ils vont peut-être réaliser juste cet été en voyant l’autocollant d’avion sur le calendrier que non, ils ne verront pas l’avion, la Tour Eiffel, la grande plage avec des coquillages. Pour le moment, ils sont plus sereins que moi face à la situation. Ils n’ont pas idéalisé ce moment comme nous les adultes avons pu le faire.

Pour tous ceux qui avaient prévu un voyage vers la famille, pour tous ceux qui comme nous, voient leur souvenirs être volés par la covid-19… on a le droit d’être triste, on a le droit d’être fâché. Oui, on le fera plus tard le voyage. Mais pour le moment, oui on a le droit d’être déçus…. Sur ce, on essaie de planifier un voyage pour Noël 2020* à la place. De toute façon, pour l’été ou pour Noël, on serait revenu avec des valises pleines de cadeaux de toute façon… et fuir notre hiver canadien pour 2-3 semaines, je ne serais pas contre non plus ! La Corse, ça sera dans 3-4 ans…

*si coronavirus le veut, évidemment

More from Marie-Eve Pimparé
Une autre lettre de la rentrée
Ça y est, on peut compter sur les doigts les dodos avant...
Read More
Leave a comment

Votre adresse courriel ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

5 × 5 =